« N’examinez donc pas si soigneusement si vous êtes en la perfection ou non … Notre examen ne doit jamais tendre à connaître si nous sommes imparfaits, car nous n’en devons jamais douter. De là s’ensuit que nous ne devons pas nous étonner de nous voir imparfaits, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en cette vie ; ni nous en contrister, car il n’y a remède ; oui bien nous en humilier, car par là nous réparerons nos défauts, et nous amender doucement … Cet examen, quand il est fait avec anxiété et perplexité, n’est qu’une perte de temps …
Si votre œil est simple, tout votre corps » le sera, dit le Sauveur (Mt 6, 22). Simplifiez votre jugement, ne faites point tant de réflexions ni de répliques, mais allez simplement et avec confiance … N’épluchez guère ce que font les autres ni ce qu’ils deviendront, mais regardez-les d’un œil simple, bon, doux et affectionné … Faites comme les abeilles, sucez le miel de toutes les fleurs et herbes.
Mon 3e commandement est que vous fassiez comme les petits enfants : pendant qu’ils sentent leur mère qui les tient par les manchettes, ils vont hardiment et courent tout autour, et ne s’étonnent point des petites bricoles que la faiblesse de leurs jambes leur fait faire : ainsi, tandis que vous apercevrez que Dieu vous tient par la bonne volonté et résolution qu’il vous a donné de le servir, allez hardiment, et ne vous étonnez point de ces petites secousses et choppements que vous ferez … Allez joyeusement et à cœur ouvert le plus que vous pourrez ; et si vous n’allez pas toujours joyeusement, allez toujours courageusement et confidemment. » (À la Sœur de Soulfour, novice. 16 janvier 1603. EA 12, 167-169)
Confiance et abandon
« Je répète ce que si souvent je vous ai dit : que, non seulement en l’oraison, mais en la conduite de votre vie, vous devez marcher en l’esprit d’une très parfaite et très simple confiance en Dieu, entièrement remise et abandonnée à son bon plaisir, comme un enfant innocent qui se laisse aller à la conduite et direction de sa mère.
Secondement : Et pour bien marcher ainsi à la merci de l’amour et du soin de ce cher souverainement aimable Père, tenez suavement et paisiblement votre âme ferme, sans permettre qu’elle se divertisse à se retourner sur elle-même, ni à vouloir voir ce qu’elle fait ou si elle est satisfaite … Le Sauveur de notre âme inculque si souvent la simplicité des petits enfants (cf Mt 18, 2-3), que nous la devons aimer très particulièrement. Or, ces petits enfants innocents aiment leurs mères qui les portent, avec une extrême simplicité : ils ne regardent nullement ce qu’elles font, ni ne font point de retours sur eux-mêmes ni sur leurs satisfactions, ils les prennent sans les regarder ; ils tètent avec avidité et ne regardent point si ce lait est meilleur une fois que l’autre, car tandis qu’il y en a ils le prennent tout de bon, sans autre curiosité. En cela donc, nous devons ressembler aux petits enfants …
Bienheureux sont ceux qui ne veulent pas toujours faire, voir, considérer, discourir !
Il faut simplifier notre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui déplaît à Dieu, demeurer en paix dans notre barque, c’est-à-dire faire en paix les exercices de notre vocation. Et ne nous empressons point de notre avancement … » (À la Mère de Chantal (1613-1615 ?) EA 26, 270)
Nous connaissons tous la tentation générale de nous replier sur nous-mêmes, avec ses conséquences, si nous y cédons : nous couper des autres et faire de nous le centre du monde ou/et vivre dans la tristesse et l’inquiétude (« le plus grand mal qui arrive en l’âme, excepté le péché » : IVD, IV, 11-12).
Il nous faut méditer souvent le chapitre 5 de St Matthieu (v. 25-34) pour nous « abandonner à la Providence ». 0u l’épitre aux Romains 8, 28-39 : « Avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien … »
Le petit enfant ne pense pas au lendemain : il boit le lait de sa mère au jour le jour. « Ne pensez point à ce qui arrivera demain, car le même Père éternel, qui a soin de vous aujourd’hui, en aura soin et demain et toujours : ou il ne vous donnera point de mal, ou s’il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter. » (À Mme de Veyssilieu, 1619. EA 18, 343)