Docteur de l’amour divin et de la douceur évangélique, Saint François de Sales avait choisi pour devise : « rien par force, tout par amour ». C’est qu’il avait compris que la douceur ravit les cœurs et gagne les âmes. En une période marquée par la violence, il renonça à entrer dans un combat où l’adversaire est considéré comme un ennemi qu’il faudrait réduire. Il préféra plutôt cultiver ces vertus qui rendent la vie si agréable et répandent sur toutes les relations un baume exquis : la douceur et la patience.
Seulement, la douceur ne se confond ni avec la mollesse ni avec la démission. Fruit d’une victoire sur soi-même, c’est une décision personnelle de suivre Jésus et de lui ressembler.
Heureux les doux
Jésus a fait de la douceur une béatitude à laquelle il rattache un héritage. Oui, heureux ceux qui sont sans violence, car Dieu leur donnera la terre promise ! Comme nous le rappelle François dans son exhortation apostolique Gaudete et Exsultate : « Réagir avec une humble douceur, c’est cela la sainteté ! » (§71) Mais, ne nous y trompons pas, la douceur est tout sauf un chemin de facilité, tout sauf une renonciation. Elle est une grande et belle vertu qu’il nous faut cultiver chaque jour. Et qui demande beaucoup de courage !
Cette douceur n’est donc pas celle d’un caractère doucereux…
J’aime les âmes indépendantes, vigoureuses et qui ne sont pas femelles ; car cette si grande tendreté brouille le cœur, l’inquiète et le distrait de l’oraison envers Dieu, empêche l’entière résignation et la parfaite mort de l’amour-propre. (Lettre de 1620 à sainte Jeanne de Chantal)
Douceur et humilité
Ces deux vertus se contemplent chez le Christ qui les a portées à leur perfection. Nulle autre ne caractérise autant sa sublime humanité. Lorsque Jésus se déclare doux et humble de cœur, il nous demande, dans le même temps, de le suivre, nous offrant ainsi la plus belle motivation pour nous attacher à lui.
Le saint chrême dont on use pour la confirmation et certaines bénédictions, est un mélange d’huile d’olive et de baume. Ces deux matières symbolisent, entre autres, les deux vertus préférées de Notre-Seigneur, celles qui brillaient chez lui d’un éclat sans pareil : la douceur et l’humilité. Il nous les a très spécialement recommandées car c’est d’abord par elles que notre cœur se consacre à son service, et se voue à son imitation : Apprenez de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur. L’humilité porte à sa perfection notre relation à Dieu ; et la douceur, à notre prochain. (IVD 199)
Oui, l’humilité rend notre cœur doux. Et de cette vertu découle toute vertu, comme de l’orgueil dérive tout péché.
Douceur envers soi-même
La douceur est d’abord nécessaire envers soi-même. Dans la lutte contre nos défauts, elle nous sera davantage profitable que la colère et le dépit. Si nous usons de bienveillance envers un malade, pourquoi ne le ferions-nous pas envers notre pauvre âme blessée par le péché ?
Quand notre cœur aura commis quelque faute, reprenons-le avec douceur et patience, avec plus de compassion que de passion, en l’encourageant à se réformer. (IVD 207)
Le repentir amer n’est qu’une manifestation de notre orgueil, une excroissance détestable de notre amour-propre.
L’un des meilleurs usages que nous puissions faire de la douceur, c’est de l’appliquer à nous-mêmes, en ne nous étonnant jamais de nos imperfections. Certes, il est normal, lorsque nous commettons quelque faute, d’en être mécontent. Il faut pourtant nous garder de toute aigreur, de tout dépit, de toute colère. Il en est beaucoup qui, pour s’être énervés, s’énervent encore d’avoir été énervés, ont du dépit d’en avoir eu, sont en colère de l’avoir été. Par-là, ils tiennent leur cœur dans un mécontentement permanent. (IVD 205)
Mais c’est assurément dans les rapports avec le prochain que la douceur révèle le plus sa grâce. Fruit de l’Esprit, elle ne sera, cependant, possible que si nous la vivons au préalable avec nous-même.
Père Patrick-Marie FÉVOTTE