Le Carême peut se comparer à l’arrêt du marcheur qui considère le chemin parcouru et fait le point avec sa boussole pour vérifier qu’il ne s’est pas égaré. Faire une pause dans nos vies bousculées n’a rien d’un luxe, c’est une nécessité pour qui veut habiter son quotidien et l’emplir d’amour ! Lorsque tout contribue à nous disperser au point de masquer les priorités, il convient de se donner le temps de redéfinir son objectif.
Par une parabole, Jésus l’illustre avec clarté : « Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? » (Lc 14, 28)
Se désencombrer
Le Carême n’est pas seulement un temps de sacrifice ou de pénitence, c’est avant tout une invitation à nous concentrer sur l’essentiel : Jésus-Christ ! Mais garder ses yeux sur lui, le suivre et chercher à l’imiter est exigeant. Cela nous demande de choisir entre le chemin resserré du don de soi et la voie spacieuse de l’égoïsme. Tous les efforts de Carême visent avant tout à nous désencombrer de nous-mêmes pour nous recentrer sur cet appel lumineux qui découle de notre baptême. C’est donc un temps privilégié destiné à nous rappeler que nous ne pourrons trouver le bonheur que dans le don où culmine l’épanouissement de la personne.
La démarche est heureuse ! Rien à voir avec une discipline austère et chagrine qui conduirait à faire triste mine.
Dans le cœur de qui connaît un vif repentir, avec ses tourments, ses regrets, ses agitations intérieures, souvent Dieu glisse le feu sacré de son amour. Cet amour alors se change en larmes, et les eaux de ces larmes, à leur tour, se convertissent en un plus grand feu d’amour. (TAD, II, 20)
Les bons remèdes
Faire pénitence, c’est se détacher de ce qui nous retient, s’ouvrir aux autres et se convertir au Christ pour accéder à la vraie liberté d’aimer, comme lui nous a aimés jusqu’à donner sa vie. C’est la face négative d’un effort parfois coûteux, c’est celle qui nous rebute car elle s’immisce comme un coin dans notre appétit immodéré de jouissances. Ne sommes-nous pas bien souvent comparables à un malade qui souffrirait de son mal mais refuserait de prendre la potion qui le délivrerait parce que celle-ci est amère ?
Le Carême est donc invitation à choisir les moyens de notre guérison. Ces triples remèdes, clairement énoncés par Jésus dans un passage d’évangile (Mt 9,2-18), sont incontournables tant ils recouvrent les différents aspects de la vie spirituelle.
Ajoutez toujours de nouvelles bonnes œuvres aux précédentes, comme le jeûne, l’oraison, l’aumône, voilà ce qui composera votre trésor dans le ciel. (TAD, III, 2)
Prière, aumône et jeûne
L’enjeu est de se rapprocher du Seigneur, de renoncer à ce qui nous en éloigne et de lui faire une place plus grande encore en notre cœur.
La prière a donc une place toute particulière. C’est la raison pour laquelle il convient de lui accorder davantage de temps pour goûter plus pleinement ses multiples bienfaits.
C’est par l’oraison que la lumière divine illumine notre intelligence et que l’amour céleste échauffe notre volonté. Il n’y a donc rien qui guérisse mieux notre intelligence de ses ignorances, et notre volonté de ses mauvais penchants. C’est une eau de bénédiction qui renouvelle et féconde nos bons désirs, lave nos âmes de leurs imperfections, et apaise nos cœurs de leurs passions. (IVD, II, 1)
Uni à la prière, le jeûne déploie, lui aussi, sa vertu dans notre nature blessée par le péché. Sous la forme la plus adaptée à notre condition physique, mais aussi à nos dépendances, il contribuera à nous faire grandir dans l’union à Dieu.
Le jeûne élève l’esprit, réprime la chair, c’est un sacrifice qui vous vaudra une plus grande récompense au ciel. De plus, il présente le grand avantage de vous permettre de contenir la gourmandise et de soumettre les appétits du corps à la loi de l’esprit. (IVD, III, 23)
Le Carême est bien un temps privilégié pour revenir à l’essentiel et considérer le superflu et l’accessoire à leur juste place. Ne manquons pas de le mettre à profit pour notre plus grand bien !
Père Patrick-Marie FÉVOTTE