Le chantre de l’Incarnation
Le 24 décembre 1613, François de Sales médite et prêche sur le Mystère de l’Incarnation (Sermon pour la veille de Noël, EA IX, 3-4) :
« L’Église nous disant : Vous saurez aujourd’hui que le Seigneur viendra demain, ne prétend autre chose sinon de faire que nous enfoncions nos entendements en la considération de la grandeur du mystère de la très sainte Nativité de Notre Seigneur.
Ce que pour mieux faire, nous humilierons nos entendements, reconnaissant qu’ils ne sont nullement capables de pouvoir pénétrer dans le fond de la grandeur de ce mystère, qui est un mystère vraiment chrétien. Je dis chrétien, d’autant que nuls que les Chrétiens n’ont jamais su comprendre comment il se pouvait faire que Dieu fût homme et que l’homme fût Dieu. Tous les hommes ont toujours eu une certaine inclination à croire que cela se peut et qu’il se ferait ; mais pourtant, nuls que les Chrétiens ne sont parvenus à connaître comment il se pourrait faire …
Les Chrétiens ont été plus éclairés (que les prophètes et les païens), et ont eu l’honneur de savoir que l’homme a été fait Dieu et que Dieu s’est fait homme, bien qu’ils ne soient pas capables de comprendre la grandeur du mystère de l’Incarnation et de la très sainte Nativité de Notre Seigneur, car c’est un mystère caché dans l’obscurité des ténèbres de la nuit ; non pas que le mystère soit ténébreux en soi-même, car Dieu n’est que lumière (1 Jn 5, 9 ; Ep 1, 5). Mais comme l’on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumière ou la clarté du soleil sans s’obscurcir (de sorte qu’après s’être voulu appliquer à regarder cette lumière nous sommes contraints de les fermer, n’étant pas capables de rien voir pour quelque temps), de même, ce qui nous empêche de comprendre le mystère de la très sainte Nativité de Notre Seigneur n’est pas qu’il soit ténébreux en soi-même, mais parce qu’il n’est que lumière et clarté. Et notre entendement, qui est l’œil de notre âme, ne le peut regarder longuement sans s’obscurcir, et confesser en s’humiliant qu’il ne peut pénétrer dans le fond de ce mystère, pour comprendre comment Dieu s’est incarné dans le ventre virginal de la très sainte Vierge, et s’est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu. »
En commençant notre parcours avec François de Sales, il nous est bon de l’entendre nous parler du « mystère vraiment chrétien » de l’Incarnation. En effet, parmi tous les croyants, nous, les chrétiens, sommes les seuls à croire que Dieu s’est fait homme pour que nous soyons divinisés. Avec l’apôtre Jean et toute l’Église d’hier et d’aujourd’hui, nous croyons que « le Verbe s’est fait chair » et « qu’à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12-14).
Affirmation inouïe ! qui éclaire notre chemin d’humanité.
Au lieu de nous éblouir, au point de nous empêcher de connaître qui est Dieu et qui nous sommes, le mystère de l’Incarnation, accueilli humblement dans la foi, éclaire notre intelligence (notre « entendement ») et notre vie tout entière.
Relisons Gaudium et spes, N° 22 : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné … »
Et prions avec ces mots de l’Office de Noël : « Dieu tout-puissant, en ton Verbe fait chair une lumière nouvelle nous envahit : puisqu’elle éclaire déjà nos cœurs par la foi, fais qu’elle resplendisse dans toute notre vie. »
Père François Corrignan – Prêtre de Saint François de Sales