Le purgatoire n’est pas nommé directement dans l’Écriture, mais la doctrine de son existence se fonde, entre autres, sur le sacrifice offert par Judas Macchabée pour des soldats morts au combat en détenant des objets idolâtriques (2 Macchabées 12, 39-46) et sur l’affirmation de saint Paul que l’homme – dont l’œuvre non construire sur le Christ s’effondrera – « sera sauvé, mais comme au travers du feu » (cf. 1 Co 3, 11-15).
L’Église affirme donc l’existence d’un état intermédiaire dans lequel se trouvent les âmes des hommes qui ne sont pas morts en cette rupture avec Dieu qui conduit à l’Enfer, mais n’étant pas non plus dans la charité parfaite, ne peuvent encore entrer dans l’intimité du Dieu Très Saint.
État de joie
Le même amour qui pour les bienheureux est béatitude, devient pour les âmes du purgatoire souffrance purificatrice et pour les damnés feu qui consume et torture. Suivant la disposition dans laquelle chacun le reçoit, le même don de l’amour de Dieu provoque soit la béatitude du ciel, soit la souffrance purificatrice du purgatoire, soit la douleur désespérée de l’enfer.
Voilà qui est rassurant ! Le purgatoire n’est pas punition, mais mystère d’amour : son feu est le feu purificateur que le Christ, mystiquement appelé feu lui-même, est venu apporter sur la terre : sa propriété est de consumer la matière vile et les affections vicieuses de l’âme.
Grégoire de Naziance, Sur le saint baptême, 36
Le purgatoire est donc un état de joie. L’âme qui y est se sait sauvée et, sa volonté étant désormais conforme à celle de Dieu, elle accepte avec joie la purification nécessaire. C’est aussi un état de souffrance, né de son intense désir d’entrer dans la communion de Dieu, et rendu d’autant plus douloureux qu’elle a acquis une claire conscience de la sainteté de Dieu et de la gravité de ses péchés. C’est enfin un état d’espérance, car l’âme y a la certitude d’entrer un jour dans cette vision béatifique à laquelle elle aspire.
L’âme se sent constamment entraînée par la violence de son amour vers Dieu, qui peut seul la satisfaire. Cette violence est sans cesse croissante, tant que l’âme demeure privée de l’objet dont elle est si avide ; et ses souffrances croîtraient à proportion, si elles n’étaient pas adoucies par l’espérance ou plutôt par la certitude que chaque instant la rapproche du moment de son bonheur éternel.
William Faber, Tout pour Jésus, p. 388-389.
Une histoire d’amour
Le purgatoire ne peut se comprendre qu’à la lumière de la sainteté de Dieu et de sa miséricorde. Sainteté de Dieu, devant laquelle aucun pécheur ne peut tenir. Miséricorde, qui offre jusqu’au bout au pécheur la grâce de la purification. Si l’existence du purgatoire a pu parfois être mise en doute, si son sens a pu échapper à beaucoup, c’est à cause de l’aveuglement dans lequel le péché plonge l’homme. Tant qu’il n’a pas pris conscience de son état de pécheur et de la gravité de l’offense à l’amour de Dieu qu’est le péché, l’homme ne peut voir l’utilité du purgatoire. Les saints, au contraire, en ont une vive perception. Car finalement, le purgatoire est une histoire d’amour. Amour infini de Dieu pour l’homme qu’il veut totalement purifier pour l’introduire dans sa vie bienheureuse, amour humble et repentant de l’homme qui, libéré de son aveuglement, accepte avec joie la purification.
Les âmes qui sont au purgatoire y sont pour leurs péchés. Ces péchés, elles les ont absolument détestés. Mais, quant à leur condition douloureuse, le fait qu’elle séjournent pour un temps dans ce lieu-là et qu’elles ne jouissent pas de l’amour qui règne en paradis, cette condition, elles la souffrent avec amour, et elles chantent la justice des divins décrets : « Vous êtes juste, Seigneur, et votre jugement équitable” » (Ps 118, 137).
Saint François de Sales, TAD Livre IX, Ch 7
Communion des saints
Un constant lien d’amour unit les fidèles encore sur terre, qui offrent prières et pénitences pour leurs frères et sœurs du purgatoire et ceux-ci, qui intercèdent pour eux. Nous pouvons même parler d’un échange de biens entre nous.
Les âmes du purgatoire ne pouvant plus mériter pour elles-mêmes, puisqu’elles ont atteint leur salut définitif, peuvent offrir pour nous leurs souffrances, tant qu’elles n’auront pas satisfait à tout l’amour qu’elles ont offensé ou ignoré.
Le purgatoire est donc une grande manifestation de la miséricorde de Dieu qui respecte la portée de nos choix mais veut, cependant, nous unir à lui dans la charité parfaite.
Père Patrick-Marie FÉVOTTE