Revenons à l’heure douloureuse de la mort du maître bien-aimé. Un petit groupe de femmes, et Jean, sont au pied de la croix : « Près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. ». C’est alors que Jésus confie l’un à l’autre Marie et Jean : « Femme, voici ton fils » … « Voici ta mère » … Et l’évangéliste continue : « A partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. »
Il ne dit pas : « Pendant une certaine période… », ou : « Jusqu’à telle date ». Il dit seulement « A partir de cette heure-là » … Il semble que l’un et l’autre ont accueilli pour toujours cette relation de mère à fils que Jésus par sa parole a instaurée entre eux. Le disciple l’a prise chez lui, comme il aurait fait de sa propre mère. Et à partir de cette heure-là, elle a habité chez Jean. Aux temps apostoliques, Marie habitait chez Jean.
Nous pouvons imaginer, comme St François de Sales nous y invite dans ses conseils pour la méditation, ce qu’ont pu être la proximité de cœur, l’intimité profonde, la qualité d’amitié, qui liait la Vierge Marie et l’apôtre Jean – le rappel qu’ils ont pu faire, jour après jour, des paroles et des actes du Fils et de l’Ami. Une compréhension « par le cœur » de la personne de Jésus, de l’orientation de sa vie jusqu’à cette heure dont nous parle Jean.
Cette heure, Jésus l’avait déjà évoquée dans un autre épisode où Marie et Jean étaient déjà présents, au tout début de la vie publique de Jésus : à un mariage, à Cana, auquel « la mère de Jésus était. Jésus aussi avait été invité au repas de noces, avec ses disciples ». Jean y était donc aussi. A-t-il entendu le dialogue entre Marie et son fils ? « Ils n’ont plus de vin » – « Femme[1], que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue ». Ou le lui a-t-elle dit plus tard ?
Et c’est à partir de cette heure, qui maintenant est venue, que le disciple la prit chez lui.
Qu’est-ce à dire ? L’intimité de vie dans le simple et banal quotidien, et en même temps dans un profond échange spirituel, que vont partager Marie et Jean, est-ce comparable au vin des noces ?
N’est-ce pas à cela que nous sommes invités, d’une façon toute particulière, lorsque, reliés à la mort du Seigneur par notre baptême, ou dans l’épreuve, nous pouvons entendre et accueillir pour nous-mêmes la parole du maître : « Voici ta mère ». Comme l’apôtre Jean, prenons Marie chez nous, vivons avec elle dans l’intimité du fils (de la fille) avec sa mère qui, depuis « cette heure-là », peut comprendre et accompagner toute souffrance, et aussi tout désir de répondre à l’appel à la sainteté dans nos vies.
N’est-ce pas dans cette intimité profonde avec Marie que vivait le pape Jean-Paul II ?
Le Père Henri Chaumont donne des conseils concrets : devenir familier de Marie, comme si nous vivions près d’elle, comme si nous éprouvions ses propres sentiments dans le quotidien de nos vies.
- « Demander chaque jour une connaissance plus intime de Marie ; un amour de plus en plus filial pour cette bonne mère ; l’imitation plus fidèle et courageuse de ses vertus…
- Rester aussi intimement unie que possible à Marie dans le cours de la journée, agir parler et vivre sous son regard maternel. » (Être Marie, p.1-2)
Eudokia
[1] On peut remarquer que dans ces deux épisodes : les noces de Cana et les dernières paroles sur la croix, Jésus s’adresse à sa mère en l’appelant « Femme ». Beaucoup de correspondances entre ces deux passages!