L’échelle de Jacob : symbole de la vie chrétienne
En lisant le récit biblique du songe de Jacob (Gn 28, 10-22) et l’usage qu’il en fait dans l’Introduction à la Vie Dévote (1e partie, ch 2), nous voyons que François ajoute des éléments à la description : accueillons-les comme une bonne inspiration.
« Contemplez l’échelle de Jacob (car c’est le vrai portrait de la vie dévote) : les deux côtés entre lesquels on monte, et auxquels les échelons se tiennent, représentent l’oraison qui impètre (=obtient par la prière) l’amour de Dieu et les Sacrements qui le confèrent ; les échelons ne sont autre chose que les divers degrés par lesquels l’on va de vertu en vertu, ou descendant par l’action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation à l’union amoureuse de Dieu.
Or voyez, je vous prie, ceux qui sont sur l’échelle : ce sont des hommes qui ont des cœurs angéliques, ou des Anges qui ont des corps humains ; ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent être, parce qu’ils sont pleins de vigueur et agilité spirituelle ; ils ont des ailes pour voler, et s’élancent en Dieu par la sainte oraison, mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation (= fréquentation) ; leurs visages sont beaux et gais, d’autant qu’ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité ; leurs jambes, leurs bras et leurs têtes sont tout à découvert, d’autant que leurs pensées, leurs affections et leurs actions n’ont aucun dessein ni motif que de plaire à Dieu. Le reste de leurs corps est couvert, mais d’une belle et légère robe, parce qu’ils usent véritablement de ce monde et des choses mondaines, mais d’une façon toute pure et sincère, n’en prenant que légèrement ce qui est requis pour leur condition : telles sont les personnes dévotes (= qui vivent selon l’Esprit). »
« Dieu est ici et je ne le savais pas… Ce n’est rien de moins qu’une maison de Dieu et la porte du ciel ». L’expérience de Jacob exprime la réalité de notre foi chrétienne : ciel et terre ne sont pas deux mondes séparés, mais unis. Notre vie est un va-et-vient permanent entre les deux. Par la prière nous montons vers Dieu, par les sacrements Dieu vient vers nous. Nous avons des ailes pour voler et nous unir à Dieu qui est Esprit, et nous avons des pieds pour vivre et cheminer avec nos sœurs et frères humains. S’il nous manque les ailes de la contemplation ou les pieds de l’action-service-support mutuel, nous sommes des personnes handicapées, comme le disait avec humour un prêtre au sujet de son évêque : « Il a des antennes partout, mais il n’a pas de prise de terre ! » Sommes-nous « branchés » des deux côtés ?
Comme Jésus déclare, en Jean 2, 21, qu’il est le Temple, nous pouvons dire qu’il est aussi l’échelle de Jacob : par lui, nous allons vers le Père, et par lui le Père vient à nous et nous façonne à l’image de son Fils (Rm 8 ,29).
Quand François de Sales nous dit qu’il veut inscrire « Vive Jésus » sur notre cœur, c’est qu’il croit que « quiconque à Jésus Christ en son cœur, il l’a bientôt après en toutes ses actions extérieures. » (IVD III, 23) Et la véritable « extase » est « l’extase de l’œuvre et de la vie ». (TAD, livre VII, ch. 6-7-8)
Père François Corrignan – Prêtre de Saint François de Sales